Les Grandes Jorasses sont un sommet des Alpes dans le massif du Mont-Blanc, entre la France (Haute-Savoie) et l'Italie (Vallée d'Aoste).
Grandes Jorasses | |
La face Nord des Grandes Jorasses et le glacier de Leschaux. | |
Géographie | |
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Altitude | 4 206 ou 4 208 m, Pointe Walker[1],[2] |
Massif | Massif du Mont-Blanc (Alpes) |
Coordonnées | 45° 52′ 08″ nord, 6° 59′ 17″ est[2],[1] |
Administration | |
Pays | France Italie |
Région Région à statut spécial |
Auvergne-Rhône-Alpes Vallée d'Aoste |
Département | Haute-Savoie |
Ascension | |
Première | par Horace Walker, avec Melchior Anderegg, Johann Jaun et Julien Grange |
Voie la plus facile | Face Sud (mixte ; AD-) depuis le refuge des Grandes Jorasses |
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Les Grandes Jorasses sont une arête faîtière orientée est-ouest longue d'environ un kilomètre et sur laquelle se détachent successivement six pointes :
Cette arête marque la frontière entre la France et l'Italie. Elle domine, du côté français, le glacier de Leschaux, affluent de la Mer de Glace, du côté italien le val Ferret et la vallée de Courmayeur.
Ces six pointes sont encadrées par le col des Hirondelles (3 480 m), au nord-est, et le col des Grandes Jorasses (3 825 m), à l'ouest, sur lequel on trouve le bivouac E. Canzio.
La face Nord (versant français) est l'une des plus grandes faces granitiques des Alpes : 1 200 m de haut sur près d'un kilomètre de long.
L'ascension de la face nord fut considérée comme l'un des « grands défis des Alpes » jusqu'à la première en 1935. Elle fait toujours partie des trois grandes faces nord des Alpes.
Après une compétition entre alpinistes de plusieurs pays, la face Nord est gravie pour la première fois par l'itinéraire de l'éperon Croz (Martin Meier et Rudolf Peters, les 28 et ). Le point culminant, la pointe Walker, sera atteinte par son éperon nord trois ans plus tard, du 4 au . Cet exploit fait connaître trois alpinistes italiens : Riccardo Cassin, Luigi Esposito et Ugo Tizzoni, qui atteignent le sommet à 14 heures. Cet itinéraire reste le plus célèbre et le plus parcouru de la face.
La renommée de la face Nord des Grandes Jorasses allait par la suite attirer tous les alpinistes de haut niveau, au point qu'aujourd'hui elle comporte un très grand nombre de lignes d'ascensions, rocheuses, glaciaires ou mixtes, gravies en toutes saisons et parfois en solitaire.
Après l'ascension des pointes Walker et Croz par leur éperon nord, les alpinistes vont s'intéresser au versant nord des autres pointes : pointe Marguerite en 1958 (René Desmaison et Jean Couzy), pointe Young la même année (Enrico Cavalieri et Andre Mellano), pointe Whymper en 1964 (Walter Bonatti et Michel Vaucher), pointe Hélène en 1970 par une cordée polonaise.
La pente de glace raide située à gauche de la pointe Walker a été baptisée « le Linceul ». René Desmaison fait équipe avec Robert Flematti et s'engage dans la pente en hiver, pour réduire les risques de chutes de pierres. Grimpant avec la technique ancienne des crampons dix pointes et des tailles de marches, ils sont pris par le mauvais temps et mettent neuf jours pour gravir les 800 mètres de glace (17-). Ayant emporté avec eux deux radios (3 kg par poste), ils communiquent avec les médias durant toute leur ascension, une autre première.
L'imagination des grimpeurs étant sans limites, de nouveaux défis allaient marquer notamment les années 1960 et 1970 : tracer la « ligne » la plus directe possible de la base au sommet de la montagne. C'est le concept des directes — et des directissimes (encore plus directes si cela est possible).
Dès 1971, René Desmaison s'attaque avec Serge Gousseault à un itinéraire direct dans le flanc nord-est de la pointe Walker, de surcroît en saison hivernale. L'entreprise se conclut par un drame : les alpinistes restent bloqués sous la pointe Walker, après avoir passé quinze jours dans la paroi. Serge Gousseault y meurt. René Desmaison raconte la tragédie dans son ouvrage 342 heures dans les Grandes Jorasses. Il retourne deux ans plus tard dans la face pour achever sa première, en compagnie de Michel Claret et Giorgio Bertone, parvenant au sommet le , après huit bivouacs[3].
Un autre alpiniste renommé, Yannick Seigneur, s'est illustré dans la face Nord de la pointe Whymper en ouvrant la « Directe de l'amitié » avec ses compagnons Louis Audoubert, Marc Galy et Michel Feuillarade, en plein hiver, du 19 au . Ils ouvrent ainsi de façon élégante le tracé qui suit une ligne directe sous cette pointe. Deux ans plus tôt, une expédition japonaise avait tenté le même objectif, sans parvenir à gravir la face proprement dite, se rabattant sur le grand couloir central (19-).
En 1979, une cordée tchèque inaugure une voie directe de haute difficulté sur l'éperon Walker, la voie « Rolling Stones » (24-). Sept ans plus tard, Patrick Gabarrou réussit un tracé encore plus rectiligne avec la « directissime » qu'il ouvre du au avec Hervé Bouvard.
Grand amateur de belles lignes, Patrick Gabarrou est également l'auteur :
La conquête se poursuit par l'ouverture d'itinéraires en hivernale, solitaire et solitaire hivernale, qui voient de nombreux exploits, ou de voies moins médiatisées, qui portent le nombre de voies dans la face Nord des Grandes Jorasses à plus de 40 itinéraires distincts fin 2004.
Cette face Nord est très intéressante en hiver car l'impression de solitude et d'isolement est exceptionnelle pour les Alpes. La raison en est que depuis cette face, on ne peut voir aucune vallée alpine habitée, contrairement à la face Nord du Cervin ou de l'Eiger par exemple. La première hivernale de l'éperon Walker fut réalisée par les Italiens Walter Bonatti et Cosimo Zappelli en 1963[4], la seconde étant réalisée le même hiver par les français René Desmaison et Jacques Batkin[5].
Cette face ne comporte aucun itinéraire facile, aucune voie de dégagement. L'engagement est total. Un solo aux Grandes Jorasses par la face Nord est réservé aux alpinistes d'exception comme celui, par exemple, de Valery Babanov à la pointe Whymper ou de Slavko Svetičič avec ouverture d'une voie nouvelle à la pointe Croz.
Dès 1975, le guide Ivano Ghirardini réussit la première hivernale solitaire du Linceul et en 1978, lors de sa trilogie, celle de l'éperon Croz. Le guide Tsunéo Hasegawa fait la première hivernale solitaire de l'éperon Walker en 1979.
Le guide français Charles Dubouloz réussit la première ascension hivernale en solitaire de la pointe Walker par la voie Rolling Stones sur la face Nord en six jours et cinq nuits, partant le et arrivant au sommet le [6].
La face Nord des Grandes Jorasses, avec celles du Cervin et de l'Eiger, fait partie d'un triptyque « magique » nommé trois grandes faces nord des Alpes. La première trilogie hivernale solitaire fut réussie par Ivano Ghirardini (hiver 1977-1978), la seconde par Tsunéo Hasegawa (1977-1978-1979).
Ce sont des itinéraires d'environ un kilomètre de haut. La pente moyenne de la face est d'environ 70 degrés et certains ressauts sont verticaux. L'ambiance est toujours sévère dans ces fins boyaux de glace qui s'élèvent entre les éperons abrupts. L'une des plus difficiles est « Rêve Éphémère », ouverte par Ivano Ghirardini et Slavko Svetičič entre les pointes Marguerite et Young.
La voie normale des Grandes Jorasses se situe sur son versant sud.
Le , un hélicoptère pose Sylvain Saudan surnommé le « skieur de l'impossible » à 30 minutes du sommet de la pointe Walker. Il effectue 5 h 30 de descente très difficile, environ 2 500 virages, en partie dans le brouillard, avant de rejoindre le pied du sommet.
En 1983, Christiano et Fabio Delisi ouvrent Groucho-Marx, cotée ED. Sébastien Bohin, Sébastien Ratel et Dimitri Munoz, tous trois membres du GMHM, en ont réalisé la première hivernale en [7].
En 1974, le chanteur Pierre Perret a donné une certaine notoriété à ce site montagneux, grâce à deux vers de sa chanson humoristico-éducative le Zizi : « l'alpiniste et son beau pic à glace, magnifique au-dessus des Grandes Jorasses ».