Le lac de la Maix, autrefois dénommée la Mer, est situé au sud-ouest du massif du Donon, sur le territoire de la commune de Vexaincourt, à 3 km du centre du village, dans les Vosges gréseuses. Il s'agit de l'un des derniers lacs naturels de formation glaciaire du massif vosgien.
Sur ses rives se dresse une chapelle bâtie sur la crypte à côté des ruines de l'ermitage de la Mer, important vers 1250, autorisé par l'évêque Pibon en 1090[1]. Un sarcophage de pierre côtoie la chapelle, Emile Gerlach avait observé une forme semblable à ceux de l'église abbatiale de Haute-Seille, taillée au XIIe siècle.
Lacum qui mare dicitur selon la chronique de Richer, livre second, paragraphe 22, voilà comment le moine bénédictin de Senones, Richer, écrivain voyageur et chroniqueur du XIIIe siècle décrit ce « lac qui est dit mer », tout en précisant la construction de la maison-église dont il connaît la tutelle de son monastère de Senones. Les premiers textes en ancien français mentionnent le plus souvent l'Ermitage de la mer ou Hermitage de la mer et ses variantes altérées. Après le milieu du XVIIIe siècle, la lac de la Maix s'impose, avec la mention du pèlerinage populaire de la Maix[2].
Une première hypothèse proposée autrefois pour cette mutation a été la graphie erronée met au lieu de mer. La seconde explication linguistique est plausible, l'étymon mer/mar désigne un plan d'eau sauvage, un lac remarquable dans la langue parlée autrefois, peut-être de l'ancien français merer en 1210, « se vautrer dans une mare, se rouler dans la boue » apparenté à marage, nom masculin désignant outre le bord de mer, « le marais, le lieu sauvage et dangereux » sous l'influence du francique marisk, au sens de marais, tourbière. La troisième voie, allusion à la matrem latine, en ancien français mere signifiant au choix « mère, protectrice, matrone » peut évoquer le sanctuaire à répit mais aussi le plan d'eau sacré, au sens d'eauwe-mere (du latin médiéval aqua-matrem ou eau-mère), simplifiée en mer.
Le meix ou maix fait allusion au petit domaine compartimenté dont le sanctuaire souterrain, la modeste chapelle supérieure et l'ermitage et ses dépendances jardins, fontaine et bassin, vergers en espalier, palissades en bois... était le centre au milieu de prairie. Une ferme dite de la Maix était localisé à quelques centaines de mètres de ce domaine, pour entretenir les biens fonciers du domaine. Le passage de mer à lac de la maix se produit tardivement au moment où s'impose pour les actes religieux un français local, typique au XVIIIe siècle.
On ignore si à l'époque celtique le site est un lieu de culte et de pèlerinage. Mais ces bords sont fréquentés avant l'époque de Hallstatt. Ce point d'eau bucolique semble être cultivé et hanté par les troupeaux au moins depuis ces temps.
Au XIe siècle, le modeste Hermitage de la Mer, est fondé par l'insigne église de Toul, à côté d'un sanctuaire à répit en partie souterrain, où les mères chrétiennes apportaient leurs enfants morts-nés pour qu'ils revivent quelques secondes et puissent recevoir le baptême sous l'égide de la Vierge noire du lieu. Un nommé Reignier, attiré par ce lieu vaste et isolé, avait décidé de s'y retirer, installant une maison d'aide spirituelle jointe à une église située sous une chapelle souterraine[pas clair], avec l'autorisation du vénérable abbé Bercher de Senones[3]. Le sanctuaire, point de pèlerinage fréquenté le jour de la Trinité (octave de la Pentecôte), est dûment consacré aux nones de mai 1090 en l'honneur de la sainte Trinité lors du passage de l'évêque Pibon[4]. L'église se nomme Notre-Dame-de-la-Mer, elle est placée sous la responsabilité de l'abbaye de Senones qui nomme un hermite ou garde-chapelle. Celui-ci, vivant à demeure, peut être un prêtre-ermite[5]. Les constructions de l'ermitage prennent de l'ampleur, avec plusieurs bâtiments attenants au XIIe siècle et XIIIe siècle car un grand concours de peuple venu de Lorraine et d'Alsace, voire d'au-delà, y afflue le jour de la fête et les desservants permanents de la maison d'ermitage ne cherchent qu'à améliorer ce haut lieu de spiritualité. Dans les écrits médiévaux ou du début de l'époque moderne, cet ermitage géré depuis la cure de Luvigny ou en dernier ressort souverain, par l'abbaye de Senones, n'a jamais fait référence au lac de la Maix[6]. En 1508, l'abbaye de Senones autorise la construction pour l'Hermitage d'une plus vaste chapelle de la Mer, pour mieux accueillir un pèlerinage devenu imposant.
Dom Augustin Calmet, abbé de Senones, n'attente jamais ni à l'ermitage et à son budget réduit, ni aux divers pèlerinages dont il se plait à observer les formes en historien de la religion. Il admet l'intercession de la Vierge contre les pluies incessantes ou la sècheresse, la mère de Dieu ne pouvant que favoriser les bonnes récoltes. Il ést par contre contrarié par la conception médiévale de la Vierge du Répit qui avait encore cours dans l'esprit populaire au voisinage de la Mer. Il affirme « Il est interdit de baptiser les morts, cette coutume est une tromperie »[7].
L'abbé de Senones Don Augustin Fangé, dit abbé Fanget en lorrain, neveu et successeur de Dom Calmet, prétexte trop de turbulences, troubles et autres abus, et décide de supprimer le pèlerinage après 1758[8]. Des habitants de Moussey lui proposent de prendre le mobilier religieux afin de le rapatrier de ce lieu trop populaire, chargé de malédictions et de mauvaises actions, pour le conduire en chariot dans leur église[9]. L'abbé Fanget agrée et donne son autorisation. Les bâtiments du sanctuaire et de l'ermitage sans protection sont ainsi détruits et arasés sans vergogne par quelques habitants de Moussey. Il ne reste alors près du lac que des ruines et la crypte, ainsi que, à quelque distance, la ferme de la Maix qui continue à gérer le domaine agro-pastoral.
Quelques années plus tard, une statue Notre Dame de la Maix est placée sur la crypte par des fidèles discrets du Val d'Allarmont. Elle succède en réalité à la chapelotte de la Vierge accrochée au sapin voisin immédiatement après la dévastation. Une grande part de la population locale perçoit cette destruction comme un pillage légal du vieux sanctuaire. Le pieux pèlerinage, trop ancré dans le calendrier paysan, n'a jamais été réellement abandonné.
Durant la période de la Révolution, le bien foncier autour du lac de la Maix, c'est-à-dire la ferme acquise aux biens nationaux, est la propriété du maître de forges Louis Daniel Champy puis de son fils qui le revend à l'État en 1846.
En 1865, une élégante chapelle en grès rouge, de pure style roman est édifiée en l'honneur de Reignier, premier ermite, avec une plate-forme placée sur l'ancienne crypte préservée, à côté de l'ancien ermitage et de ses dépendances. Le Journal de la Meurthe en relate la genèse dans son article « Le Lac et la Chapelle de Lamaix » (sic) en septembre 1866[10]. Monsieur Boiselle, inspecteur des forêts à Senones, figure parmi les premiers initiateurs. Non content de rendre les sentiers de montagne plus larges et plus faciles pour les promeneurs et les chasseurs des vallées adjacentes, l'officier du corps des Eaux-et-Forêts saisit le sentiment pieux de pèlerins venus des vallées adjacentes. Instruit par l'ancienne histoire de l'ermitage de la Mer, il propose l'aide des services forestiers et lance un appel à réédifier l'ancien oratoire. En quelques mois, 3500 souscripteurs avec des offrandes multiples se manifestent, des Vosges et au-delà de Nancy. Le pèlerinage est à nouveau rétabli en 1866 sous l'autorité de l'évêque de Saint-Dié[11].
Le 9 septembre 1866, la chapelle est inaugurée en présence d'une foule nombreuse. Une procession extraordinaire est menée en grande pompe par le clergé de Luvigny, suivi de jeunes filles toutes vêtues de blanc, symbole de la Vierge. Le clergé des paroisses environnantes, à commencer par les curés de l'ancien Val d'Allarmont avec leurs bedeaux et sacristains, enfants de chœur et conseil de fabrique, suit les fidèles près du lac. D'autres participants venus des vallées ou d'au-delà du Donon de la vallée de Schirmeck ou même d'Alsace rejoignent le lac et sa nouvelle chapelle, à l'instar des délégations des maires des communes environnantes, avec parfois leurs corps de pompiers en uniforme. Ce ne sont que spirales humaines à perte de vue, les abords du lac sont bondés par une foule imposante[12]. La fanfare de Senones est présente, avec un peloton de 25 garde-forestiers en uniforme de parade, conduit par Boiselle. Après la messe et les chants religieux, vient la bénédiction de l'édifice, bientôt suivie de décharges de mousquets tirées du haut de la montagne et de notes de la fanfare. Le dernier élève vivant de l'abbé bénédictin Dom Lombard en poste de 1784 à 1793, à savoir le vieux curé de Saint-Jean prononce une vibrante allocution entre le Val d'Allarmont et Gros Colas. Il remercie l'inspecteur Boiselle, qui lui remet les clefs de la chapelle et rappelle qu'il ne représente que les souscripteurs et la vaste foule silencieuse présente dans le vallon et la montagne[13].
En 1886, Léon Louis et Paul Chevreux mentionnent que l'écart de la Maix compte deux maisons, avec 8 habitants permanents et sans doute deux familles.
Dans les années 1980, l'association Le GRAAL effectue des fouilles archéologiques sub-aquatiques et révèle la présence d'un tumulus de pierres et de bois immergé, supposé être une construction lacustre (pilotis ?), d'un ponton, de fragments de verre attribués à l'époque gallo-romaine et surtout d'une pirogue monoxyle (taillée d'un seul bloc dans un tronc de sapin) qui est présentée à la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) de Metz avant d'être remise à l'au pour sa conservation. Un prélèvement effectué permet de la dater entre entre 780 et 985 avant J.-C.)[14].
Des analyses permettent d'envisager une exploitation sylvicole intense vers 1050, initiée entre 841 et 1024[réf. nécessaire].
Le lac de la Maix, situé dans la forêt domaniale du Bois Sauvage, avec ses eaux claires et les sapins qui s'y mirent, est un lieu de montagne très prisé des promeneurs romantiques au XIXe siècle. Charles Charton indique que la surface du lac se déploie sur deux hectares et seulement quinze mètres de profondeurs. Il précise l'existence d'une ferme de la Maix.
Henri Valentin a réalisé des illustrations sur ce thème, en particulier La Procession sur les bords du lac de la Maix et vue du Donon qui illustre les légendes dans le livret intitulé Le Sagar (sic) des Vosges[15].
L'inauguration de la chapelle en 1866 a aussi fait forte impression : en témoigne un livret poétique de quatre pages intitulées par son auteur anonyme Au lac de la Meix et dédicacé à madame Ernest Seillière[16].
Pléthore de guides touristiques mentionnent le lac de la Meix, à commencer par le travail pionnier du Guide du touriste dans Saint-Dié, ses environs et dans quelques parties des Vosges, rédigé par Auguste Stegmuller dont la première édition est publiée à Saint-Dié par Louis Eugène Humbert en 1881. Les randonnées sur les crêtes entre vallée du Rabodeau et val de Plaine permettent de découvrir au nord du Haut du Bon Dieu, le lac de Maix et ses environs, appréciés pour son cadre pittoresque, son histoire lié à l'abbaye de Senones et ses nombreuses légendes[17]. De nombreux ouvrages et articles de journaux rapportent en effet des légendes, plus ou moins folkloriques ou réinventées, censées se dérouler aux abords du lac.
Le journaliste de L'Est Républicain Léon Monnier écrit en 1939 que le lac de la Maix est un but de promenade parmi les plus connus des Vosges[18]. Le magistrat Louis Roger Charles Sadoul (1870-1937) ainsi que son frère l'agent d'assurances Charles Xavier Marie Sadoul fondateur de la revue Le Pays lorrain (1872-1930), tous deux historiens raonnais de la vallée de la Plaine, admirent depuis leur jeunesse cette vaste combe glaciaire où se niche « ce plan d'eau charmant », le mot « lac » étant de l'avis de l'aîné un terme prétentieux.
En 2021, le lac accueille le tournage de la série Les Combattantes pour différentes scènes de combats [réf. nécessaire].
On rapporte pour le lac de la Maix, de nombreuses légendes dont la plus connue est partagée par nombre d'autres lacs.
Le Diable Violoneux
Cependant, de nos jours, on dit que certains soirs on peut encore entendre le violoniste… [réf. nécessaire]
La ferme disparue dans le gouffre comblé immédiatement par le lac
Depuis ce temps, par les soirées calmes et paisibles, le promeneur croît entendre près du lac, tel un lointain murmure à peine audible, les sons assourdis des violons, tandis que les danseurs impies continuent sans trêve ni repos à taper du pied et à continuer leur ronde infernale. [réf. nécessaire]
Le Seigneur de la Maix
Le Banc de la Vierge
Dès lors, prendre place sur cette roche soignerait de nombreuses maladies. [réf. nécessaire]
La statue de la Vierge